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Congrès Annuel de la SFT - Paris, 25-26 novembre 2010
Toxicologie liée à l'environnement

Modèles d'évaluation du risque environnemental

Hier, aujourd'hui et demain

Jean-Louis Rivière, INRA


Les substances toxiques étaient autrefois considérées essentiellement sous l'angle de leur efficacité : les accidents étaient connus, mais la notion de prévision de leur risque n'existait pas. Après la parution de «  Printemps silencieux  » (Rachel Carson, 1962) on a vu naître l'écotoxicologie et un outil prédictif, aujourd'hui discipline scientifique à part entière, l'évaluation de risque écologique. Développement ultime, l'évaluation de risque a conduit aux réglementations actuelles englobant pratiquement tous les produits chimiques utilisés à des fins diverses et imposant un contrôle de leur utilisation.

Le risque environnemental, au sens réglementaire, englobe le risque de contamination des milieux (air, sol, eaux) et la toxicité propre des substances. Ces deux élements trouvent leur concrétisation dans deux valeurs chiffrées, la PEC («  Predicted Environmental Concentration  » ; concentration environnementale prévisible) et la PNEC («  Predicted No Effect Concentration  » ; concentration sans effet prévisible). Ce schéma classique ne se distingue pas de celui de l'évaluation du risque sanitaire ; cependant l'extrapolation nécessaire à la détermination de la PNEC est faite à partir de quelques espèces représentatives vers la multitude d'espèces composant les communautés naturelles, l'évaluation sanitaire prenant en compte un petit nombre d'espèces expérimentales vers une seule, l'homme. Enfin, une évaluation particulière (PBT ; «  Persistence, Bioaccumulation, and Toxicity  ») permet d'identifier les substances susceptibles d'exercer des effets à long terme sur l'environnement en raison de leur faible biodégradabilité et ou de leur potentiel à se bioconcentrer dans les maillons des chaînes alimentaires.

Les procédures sont maintenant parfaitement définies dans les textes réglementaires, de plus en plus de données factuelles sur les produits et les conclusions des évaluations de risque sont facilement accessibles sur les sites internet des ministères et des agences gouvernementales , mais dans la pratique, leur mise en œuvre montre quelques difficultés et suscite encore beaucoup de questions.

L'évaluation est techniquement difficile : les essais d'écotoxicité se sont multipliés et certains essais demandent des observations très fines réservées à quelques spécialistes. Les essais les plus complexes sont difficiles d'interprétation et leur contribution à l'évaluation de risque n'est pas évidente (exemples : reproduction de la daphnie, études en cosmes).

En ce qui concerne l'estimation de la contamination des milieux (calcul des PEC), l'exemple des pesticides montre que la complexité des modèles et le nombre des paramètres d'entrée en font des boîtes noires d'où sortent une multitude de résultats dont l'utilité pratique est discutable (par exemple, la définition de zones non-traitées en bordure des plans d'eau). Un autre exemple montre l'incompréhension du public à propos de certaines notions d'acception courante (« biodégradable »).

Le futur n'ira pas forcément dans le sens d'une simplification des procédures (par exemple, le possible développement d'approches probabilistes), mais les évaluations de risque devront évoluer sans perdre de vue qu'elles ne sont pas une fin en soi : elles doivent permettre aux décisionnaires de définir des mesures de gestion, admises par les professionnels concernés et comprises par le grand public.