Retour Programme
Congrès Annuel de la SFT - Nancy, 19-20 octobre 2009

Toxicité Juvénile des Xénobiotiques et Toxicologie de la Reproduction

Médicaments à haut risque pour la reproduction,
évaluation du risque et programme de prévention des grossesses

Thierry VIAL

Centre AntiPoison et Pharmacovigilance, Lyon


Le risque de malformations congénitales est estimé à 2-3% dans la population générale. Dans la plupart des cas, les causes restent inconnues, et seulement environ 1% des cas pour lesquels une cause est identifiable seraient attribuables à un médicament. Si le risque tératogène, à prendre en compte lors d'une exposition pendant la période d'embryogénèse, est une préoccupation légitimement soulevée avec de nombreux médicaments, on ne doit pas oublier que certains médicaments peuvent aussi être associés à des anomalies du développement neurocomportemental (l'acide valproïque est l'exemple le plus marquant) ou à une toxicité fœtale lors d'une exposition plus tardive pendant la grossesse (les risques rénaux ou cardiopulmonaires associés aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, aux inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou aux antagonistes des récepteurs de l'angiotensine sont plus que jamais d'actualité).

Le nombre de médicaments authentifiés comme tératogènes est faible. Ces substances peuvent augmenter la fréquence globale des malformations ou majorer le risque d'une malformation spécifique. Pour certains d'entre eux, le niveau de risque a pu être déterminé par des études épidémiologiques. Les rétinoïdes de synthèse et la thalidomide restent les tératogènes les plus puissants, de même que les antifoliques lorsqu'ils sont utilisés à fortes doses. Cependant, même dans ces cas, le risque n'est jamais de 100% pour les fœtus exposés. Ainsi, le risque de malformations avec l'isotrétinoïne est au pire de 25% lorsque l'exposition a eu lieu au cours de premier trimestre de la grossesse. D'autres médicaments exposent à un risque plus faible (en pratique < 10%). S'ils doivent être généralement évités chez une femme enceinte ou en âge de procréer, leur utilisation pendant la grossesse peut toutefois être discutée dans des indications particulières. C'est le cas des antivitamines K qui gardent leur place chez des patientes porteuses d'une prothèse valvulaire mécanique, du lithium dans les formes sévères de la maladie maniacodépressive ou des antiépileptiques. Pour d'autres médicaments, le risque tératogène est très probable, sans que l'on ait pu déterminer avec précision le niveau de risque (fortes doses de fluconazole lors d'un traitement prolongé, mycophénolate ou misoprostol)

Lors de la commercialisation d'un nouveau médicament, l'identification du potentiel tératogène repose presque exclusivement sur les données de reprotoxicité. La positivité de ces études réalisées dans des conditions optimales à la mise en évidence d'un risque, ne permet cependant que rarement de conclure à un risque pour l'espèce humaine. Les nombreux exemples de tératogènes expérimentaux pour lesquels les données dans l'espèce humaine sont rassurantes, justifient donc que seules les données cliniques confirmatives soient prises en compte lorsqu'une contre-indication formelle est proposée chez la femme enceinte, surtout s'il n'existe pas d'alternative thérapeutique ou que le bénéfice du traitement maternel est jugé important. A l'inverse, l'absence de risque reprotoxique identifié dans les études expérimentales ne permet pas d'affirmer formellement l'absence de risque en clinique. Il est cependant largement admis que de tels résultats négatifs constituent une bonne présomption d'innocuité dans l'espèce humaine et autorisent à envisager une prescription, si elle est nécessaire chez une femme enceinte. Le misoprostol constitue une exception puisque aucun modèle animal n'avait permis de prévoir le risque malformatif identifié en clinique avec ce médicament (anomalies réductionnelles des membres : syndrome de Moëbius).

'identification d'un risque tératogène potentiel (études expérimentales) ou avéré (données cliniques) a des implications importantes dans le choix de la rédaction de la rubrique "grossesse et allaitement" du résumé des caractéristiques du produit (une ligne directice de l'EMEA à ce sujet a été publiée en juillet 2008[1] ), pour l'appréciation individuelle du risque chez une patiente exposée ou susceptible d'être enceinte, et sur la nécessité de mettre en place un programme de prévention des grossesse si le risque est jugé majeur, comme c'est par exemple pour l'isotrétinoïne, la thalidomide, le lénalidomide, ou la ribavirine.

[1] http://www.emea.europa.eu/pdfs/human/swp/20392705enfin.pdf