Programme

33ème Congrès annuel de la SFT - Montpellier, 25-26 octobre 2007
Alertes toxicologiques
Excipients, Adjuvants, Additifs, Impuretés


Évaluation du risque de composé d'emballage alimentaire : les phtalates

Pr Jean Claude Lhuguenot

Professeur Emérite de Toxicologie Alimentaire à l'Ecole Nationale
Supérieure de Biologie Appliquée à la Nutrition et à l'Alimentation
(Université de Bourgogne), Dijon.


« Un des rôles essentiels d'un emballage alimentaire est d'assurer une bonne protection au produit contenu… Il faut également que le matériau utilisé soit lui-même inerte, et de ce fait ne risque pas de perturber le produit alimentaire en terme de sécurité et de qualité. »

Cette notion d'inertie se retrouvait dans la Directive cadre des emballages destinés au contact alimentaire, puis dans le règlement 2005-1935, en précisant que le matériau ne doit pas apporter de modifications organoleptiques et doit aussi ne pas poser de problèmes vis à vis de la santé du consommateur. Ces obligations ne doivent pas pour autant faire oublier les énormes progrès que les emballages de toute nature ont apporté dans le domaine de la sécurité alimentaire.

Ces emballages et les progrès dans l'hygiène lors de la fabrication des produits alimentaires sont les premiers responsables du nombre réduit d'intoxications alimentaires.

Au vu des connaissances actuelles, il est improbable que les constituants d'un emballage puissent déclencher un effet de toxicité aigüe. Il est donc accepté que la nature même du danger se trouve liée à l'exposition qui définira à la fois le danger et le risque et que seuls sont à craindre, des effets relatifs à une toxicité sub-aigüe ou chronique.

•  La détermination du niveau d'exposition

Le niveau d'exposition d'un individu standard (en dehors des groupes à risques d'origine génétique) à des molécules issues de l'emballage ne peut aujourd'hui se définir que de trois manières distinctes :

- une étude épidémiologique, satisfaisante sur le plan des cohortes étudiées et des méthodes statistiques utilisées existe, et donne une valeur numérique correcte.
- une étude de migration spécifique entre emballage et simulants a été réalisée et permet de simuler une ingestion quotidienne moyenne et donc un niveau d'exposition,
- à défaut des cas précédents, on peut considérer que l'intégralité de la molécule va migrer dans l'aliment et prendre cette valeur comme base du calcul d'exposition.

2- Epreuves toxicologiques requises

A partir de la valeur de cette exposition souvent théorique, différents types de dossier toxicologique peuvent être exigés, sachant que les dossiers réduits ne sont qu'une exemption à la règle générale qui requiert un dossier complet :

•  - dossier complet (exposition supérieure ou égale à 5000 µg/jour)

· 3 tests de génotoxicité (mutation génétique et aberration chromosomique),
· une étude de toxicité sub-aigüe par voie orale sur une période de 90 jours avec reversibilité.
· une étude sur l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'excrétion,
· une étude sur la reproduction,
· une étude de tératogénèse,
· une étude de toxicité à long terme visant à caractériser, entre autres, le pouvoir cancérogène de la molécule.

ou à l'extrême

•  un dossier réduit de type 2 ( exposition inférieure à entre 50 µg/jour)

le dossier toxicologique devra comprendre au minimum les études démontrant l'absence de potentiel génotoxique

3- L'évaluation du risque lié aux phtalates dans ce contexte

L'évaluation du risque lié à l'utilisation des phtalates dans les matériaux au contact des aliments est une tâche ardue du fait que :

•  jusqu'à 23 phtalates ont été répertoriés officiellement en Europe pour une utilisation dans les matériaux d'emballages,
•  les phtalates sont une famille chimique avant le métabolisme, mais le sont beaucoup moins après,
•  la migration est fonction de l'utilisation (film souple, encres, plastifiant…) et peut aller de quelques µg à plusieurs dizaines de mg/jour.
•  la fraction de l'exposition journalière correspondant au matériaux d'emballages est parfois minime, et parfois en évolution du fait des changements de pratique industrielle
•  les toxicités, les organes cibles et les doses requises pour l'expression sont différentes,
•  les dangers ont évolué dans le temps en fonction de nos connaissances (proliférateurs de peroxisomes et cancérogénes jusqu'en 1995, puis perturbateurs endocriniens à partir de 1996),
•  la notion d'additivité dans le cas d'effet identique est posée, malgré une mauvaise connaissance des mécanismes d'action.

Conclusion

Le risque lié à l'emballage alimentaire est reconnu au travers d'une double approche analytique et toxicologique. Il ne sera donc jamais totalement maîtrisé dans la mesure où

•  la toxicologie ne sera jamais une science finie à un jour donné (les phtalates en sont un bon exemple) ;
•  on ne maîtrise pas les migrations spécifiques réelles qui se produisent pour un couple aliment-emballage parfaitement défini ;
•  nous sommes et serons incapables de donner les niveaux d'exposition réels pour les différents types de consommateur que nous sommes.

En fonction de ce qui précède et quitte à froisser quelques susceptibilités, il sera incontournable un jour de choisir entre et une sécurité alimentaire maximale et une sécurité alimentaire optimale en fonction des moyens à disposition. Et il sera nécessaire d'imaginer et d'appliquer d'autres approches toxicologiques pour sortir d'une impasse inéluctable si rien ne change en ce domaine.