Retour programme

Congrès annuel SFT - Paris, 23-24 octobre 2006
"Toxicologie de la pharmacodépendance aux médicaments et aux drogues"

Les mésusages et abus de l'association buprénorphine et benzodiazépines sont explicables par des fluctuations du binding des opiacés et des modifications comportementales.
Intérêt de l'expérimentation animale pour l'étude de pharmacodépendances spécifiques.

Antoine COQUEREL (1,2) , Véronique LELONG-BOULOUARD (1,2,3) , Claire L'HIRONDEL (1) ,
Thomas QUENTIN (1,4) , Danièle DEBRUYNE (1,4) , Michel BOULOUARD (3)

(1) Service de Pharmacologie et CEIP du Nord-Ouest, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex,
(2) Université de CAEN, EA 3917 "Attention Orientation et Fonctions Exécutives" UFR médecine,
(3) EA 3915 Centre Etudes et de Recherche du Médicament de Normandie UFR de Pharmacie
(4) UMR CEA, centre CYCERON, 14032 Caen. France

[English version]


Introduction : parce que la Buprénorphine (BPN) est prescrite dans 90% des traitements de substitution aux opiacés en France, on peut admettre qu'elle soit alors l'objet de mésusages et abus. Néanmoins, ces mésusages se sont récemment accrus avec diverses benzodiazépines (BZD) et plus particulièrement avec le clorazépate (CRZ). La BPN est un agoniste partiel des récepteurs aux opiacés (OR) de type µ et un antagoniste des récepteurs delta + kappa, tous types reconnus avec une haute affinité par la BPN. Pour tenter d'expliquer certaines 'overdoses' et le comportement de 'craving' observé avec l'association BPN+BZD nous avons recherché (i) chez la souris des modifications des doses létales de BPN après co-administration d'une BZD puissante, le flunitrazépam (FNZ) (ii) toujours chez la souris nous avons utilisé divers tests émotionnels et cognitifs après injection de BPN ou CRZ, seuls ou associés (iii) chez le rat : nous avons mesuré les variation régionales de radioliaison ('binding') sur les récepteurs de type µ (MOR), d (DOR) et ? (KOR) après injections de BPN ± CRZ. Méthodes : chez la souris (i) des doses variables et non létales de FNZ (50 à 200 mg/kg) ont été associées à une dose infra-DL 50 de BPN (20 - 100 mg/kg) (ii) le comportement anxieux a été mesuré par les tests de la boîte Noire et Blanche et la mémoire a été étudiée avec le labyrinthe en Y et le test d'évitement passif. Les médicaments ont été utilisés aux doses de 0,3 mg/kg, s.c. pour la BPN et de 0, 1, 4 et 16 mg/kg, i.p. pour le CRZ. (iii) Des rats Wistars ont reçu une fois ou de manière répétée (21 jours) de la BPN (0,15 mg/kg s.c.) seule ou associée au CRZ (i.p. ; 20 mg/kg). Nous avons utilisé un ß-imager 2000 (BIOSPACE Instruments, Paris) pour mesurer sur des coupes de cerveaux les récepteurs MOR, DOR et KOR, grâce à 3 radio-ligands tritiés spécifiques (respectivement : DAMGO, Deltorphine II et U-69-593) en calculant les Kd et Bmax.

Résultats : (i) avec un nombre restreint de souris nous avons observé que le FNZ entraîne une augmentation de la létalité aiguë, au moins de type additif. Sur la mortalité induite par la BPN le pourcentage des animaux morts passe de 25 à 100 % avec des accroissements de doses de FNZ de 50 à 200 mg/kg. (ii) Sous haute dose de CRZ, les souris présentent une inversion totale des effets anxiogène et d'hyperactivité locomotrice ou exploratoire induits par la BPN alors que CRZ ne modifie pas les effets de mémoire à long terme provoqués par la BPN. (iii- a) Pour les récepteurs DOR et KOR des modifications diffuses et modérées sont observées. La plupart sont en accord avec l'effet antagoniste de la BPN. (iii-b) Pour le MOR : le CRZ seul induit une désensibilisation et une 'down regulation' (ainsi, dans l'amygdale temporale : Kd = x 2,3 et Bmax -30%, (iii-c) les modifications de Kd et Bmax induites par la BPN sont spécifiques des régions cérébrales et les modifications quantitatives liées à l'ajout de CRZ sont additives. Cet effet additif est vérifié pour le Kd de la plupart des régions mais ces variations sont moins importantes sous traitement chronique. (iii-d) dans le thalamus le Kd s'accroît fortement et paradoxalement le Bmax est également accru.

Conclusions de ces études animales : (1) Probable potentialisation de la dose létale : si l'effet agoniste partiel µ de la BPN est parfois suffisant pour induire quelques 'overdoses' (exemple récent de 2 décès en Normandie après un 'sniff' unique) l'adjonction d'une BZD transforme l'agoniste partiel en pseudo-agoniste µ entier ; (2) L'ajout de CRZ à la BPN permet de supprimer les effets anxiogènes tout en n'effaçant pas la mémoire des vécus sous cette association, conditions favorisant la poursuite d'une pharmacodépendance du fait de l'effet anxiolytique de l'association (3) L'administration d'une BZD (CRZ) diminue la 'down regulation' µ induite par la BPN ce qui contribue au maintien d'une efficacité des doses ; de plus le mésusage très fréquent du CRZ aurait une explication liée à l'effet propre de ce médicament sur les récepteurs µ (4) Sous traitements aigu et chronique par BPN + CRZ le thalamus montre une surexpression des récepteurs µ, ce qui pourrait expliquer le 'craving' décrit sous ces traitements.

 


Congrès annuel SFT - Paris, 23-24 octobre 2006
"Toxicologie de la pharmacodépendance aux médicaments et aux drogues"

 

Misuse and abuse of the association of Buprenorphine and Benzodiazepines have explanations in opiate binding fluctuations and behavioural changes.
Interest of animal models for specific pharmaco dependence studies.

Antoine COQUEREL (1,2) , Véronique LELONG-BOULOUARD (1,2,3) , Claire L'HIRONDEL (1) ,
Thomas QUENTIN (1,4) , Danièle DEBRUYNE (1,4) , Michel BOULOUARD (3)

(1) Service de Pharmacologie et CEIP du Nord-Ouest, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex,
(2) Université de CAEN, EA 3917 "Attention Orientation et Fonctions Exécutives" UFR médecine,
(3) EA 3915 Centre Etudes et de Recherche du Médicament de Normandie UFR de Pharmacie
(4) UMR CEA, centre CYCERON, 14032 Caen. France


Introduction: s ince Buprenorphine (BPN) is used in about 90% of opiate substitution therapy in France it could be admitted this drug was largely abused and misused. Nevertheless the misuses in association with various benzodiazepines (BZD) were recently growing, especially with clorazepate (CRZ). BPN is a partial µ agonist and a delta + kappa antagonist which binds to opioid receptors (OR) with high affinity. To explain some overdoses and the craving for BPN+BZD we investigated (i) changes in lethal doses of BPN after co-administration of a potent BZD i.e. flunitrazepam (FNZ) in mice (ii) different emotional and cognitive behaviours were studied in mice with BPN and CRZ, alone or in combination and (iii) in rats : regional binding variations on µ (MOR), d (DOR) and ? (KOR) were measured after BPN ± CRZ injections. Methods: in mice (i) various non lethal dosage of FNZ (25 to 100 mg/kg) were associated to infra-DL 50 BPN dosage [i.e. 20 - 100 mg/kg] (ii) anxiety behaviour were assessed using the black and white test box and memory processes with the Y-maze and the passive avoidance tests. Combinations of BPN (0.3 mg/kg, s.c.) with CRZ (0, 1, 4 and 16 mg/kg, i.p.) were used. (iii) Wistars rats were injected once or chronically (21 days) with BPN (0,15 mg/kg s.c.) alone or in combination with CRZ (i.p. ; 20 mg/kg). Using a ß -imager 2000 (BIOSPACE Instruments, Paris), Kd and Bmax were determined for MOR, DOR and KOR with 3 specific 3H-radioligands (DAMGO, Deltorphine II and U-69-593, respectively) on frozen rat brain sections.

Results: (i) with a low number of mice we had evidences of at least additive lethal effect of FNZ to the BPN induced lethality: Percentage of dead animal increased from 25 to 100 % in the 50 - 200 mg/kg of FNZ dose range (ii) in mice also, high doses of CRZ totally reversed BPN induced hyperactivity and anxiogenic effects, and increased the BPN-induced spontaneous alternation impairment whereas it did not modify the effects on long-term memory processes. (iii- a) for delta and kappa receptor moderate and diffuse changes were observed, most of them being consistent with the DOR and KOR antagonistic effects of BPN. About MOR: (iii-b) CRZ alone induced acute desensitization and down regulation on MOR [in amygdaloid nucleus Kd = x 2.3 and Bmax -30%] (iii-c) the changes in Kd and Bmax induced by BPN are region specific and were quantitatively modified when CRZ was added. In most region increases in Kd were additive are more important and diffuse after acute treatments (iii-d) in thalamus Kd increased dramatically and surprisingly Bmax increased too.

Conclusions from animal models: (1) Likely lethal dose potentiation of BPN: although the µ partial agonist BPN alone is sometimes implicated in overdoses (e.g. 2 recent cases in Normandy after an unique ‘sniff') BZD addition changes BPN into a full-like µ agonist. (2) Adjunction of CRZ to BPN fully reversed the BPN anxiogenic effect while the association BPN + BZD did not display amnesia that promotes a positive experience of this association. Anxiolytic effects in turn are a factor of dependence (3) Acute administration of a BZD (Clorazepate) decrease the BPN induced µ down regulation, maintaining the dose efficiency; moreover this frequently misused BZD displayed a proper µ opioid like effect. (4) With acute and chronic BPN+CRZ thalamus overexpressed µ receptors that could explain craving behaviour.